Ca faisait longtemps que je n’avais pas poussé un coup de gueule !
J’essaie, avec l’âge, de calmer mes ardeurs mais par moment il y a des sursauts. La semaine dernière c’est la lecture de deux articles parlant de Creads qui m’ont fait bondir, les deux parlant de Creads.
Dans son article « Êtes vous en danger d’Uberisation ?» Yannick Socquet s’intéresse aux secteurs que l’Uberisation pourrait transformer. Et il a bien raison de poser cette question car nous sommes en train de vivre de vrais bouleversements dans nos sociétés de services. Pour illustrer ses propos Yannick nous présente les acteurs français en devenir dans différents secteurs.
Et là que voit on ? Creads… Mais en quoi Creads répond-il au modèle d’Uber ?
Pour rappel, Creads est une plate-forme qui propose un nouvel esclavagisme créatif. Sous couvert de grands discours sur le travail participatif, sur le travail collaboratif (dont je vous invite à relire les définitions ici et ici ) cette plate-forme permet à des entreprises de faire travailler gratuitement un nombre illimité de professionnels de la créa (dans la majorité des projets cf Page Projets ) afin qu’une entreprise n’en choisisse qu’un et ne rémunère que le projet sélectionné.
Rien de collaboratif, ni-même de participatif !
Imaginons appliquer cette méthode aux autres exemples de l’Ubérisation.
Si je prends Kokoroe, vous pourriez ainsi suivre tous les jours durant un an, un cours particulier avec un professeur différent à chaque fois, et ne payer que la prestation d’un jour de cours du seul professeur sélectionné laissant les 364 autres sur le carreau ? Je pourrais prendre Ornikar (auto école), BnBsitter (service pour la location saisonnière) le résultat serait le même, vous trouveriez ça complétement farfelus et injuste.
D’un côté, vous avez des sites qui basent leur business model sur l’intermédiation aboutissant à une relation win-win, un prestataire pour un client (Blablacar, Uber, AirBnB…), et de l’autre côté un client qui fait travailler sans limite un groupe de personnes pour n’en rémunérer qu’une seule…
Alors vous allez me dire que cela fonctionne car ils ont des clients et des graphistes qui participent… Il y a aussi des entreprises (de grands noms) qui font travailler des enfants dans les pays du Tiers-Monde ! Ces pratiques sont-elles pour autant louables ? Vantons-nous les mérites de l’exploitation d’enfants ?
Et pour la participation des graphistes ? Dire que le marché de la communication est ultra-compétitif, qu’il y a peut être trop d’offres pour une demande restreinte serait une base de réponse pour justifier que les graphistes qui veulent vivre sont peut-être prêt à accepter ce genre de pratiques. L’autre élément de réponse serait qu’ils démarrent leur carrière, qu’ils ont besoin de se créer un book et de développer leur réseau.
Mais participer à ce modèle n’est, en définitive, qu’un suicide à petit feu !
Ne pensez pas que je ne crois pas à la richesse du travail collaboratif, loin de là. Nous avons créé Kalaapa avec mon associée car nous pensons justement que la richesse est multiple et en chacun de nous. Kalaapa en Sanskrit signifie « ce qui lie les choses entre elles », c’est donc dans notre ADN, dans notre modèle, de répondre aux problématiques de communication en montant une équipe de talents spécialisés dans les éléments de stratégie de communication que nous proposons.
Cela va de la collaboration avec un graphiste à l’agrégation d’une trentaine de personnes sur les plus gros projets. Mais en aucun cas, les personnes avec qui nous collaborons travaillent gratuitement pour nous ! Notre travail est justement de bien choisir en amont les personnes que nous pensons adéquates pour remplir la mission.
Comme nos pairs, nous participons à des appels d’offres, c’est la règle sur ce marché de la communication. Et comme un grand nombre d’entre eux, nous militons pour le respect de notre travail etla valorisation de notre matière grise. Cela veut dire que nous militons pour des appels d’offres rémunérés même si nous ne sommes pas choisis et pour un nombre limité d’agences mises en compétition. Au-delà de 3 agences le modèle est difficilement viable, raison pour laquelle nous sommes nombre d’agences de communication à refuser des appels d’offres s’il y a plus de 5 agences consultées.
Alors que dire du modèle de Creads !
Maintenant qu’il est là que pouvons-nous faire ?
Peut-être prendre conscience que tout travail mérite salaire, même dans les univers créatifs, même quand celui-ci est immatériel et que les livrables ne sont que des idées. Cela éviterait certainement la mise en lumière qui est faite de Creads, que ce soit par Axelle Lemaire lors de sa prise de fonction (Bad buzz ) ou encore le dernier article en date dans le talentueux et riche blog d’Isabelle Mathieu .
Cette prise de conscience, normale pour tous les autres métiers, pousserait le plus grand nombre, qu’il soit créatif ou pas, à pousser lui aussi son coup de gueule, à dénoncer l’exploitation de nos idées et à enterrer cette paupérisation !
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