L’effet « Boomerang » : quels enseignements ?

Anne Sophie Baril | 6 février 2023 | Aucun commentaire
Partager

Après 7 ans passés chez Verspieren, Anais a choisi de quitter l’entreprise début 2022. Puis elle est revenue, quelques mois plus tard. Actuellement, on les nomme « boomerang », ces collaborateurs qui choisissent de partir… et de revenir presque aussitôt. Pour tirer les enseignements de ces parcours, parce que les « boomerangs » posent question en termes de ressources humaines, nous avons recueilli les expériences d’Anais, la collaboratrice, et de Sandrine, la Directrice des Ressources humaines de l’entreprise Verspieren. Interview croisée, donc.

 

@Anais – Votre parcours avec Verspieren avant le départ ?

Je suis restée 7 ans chez Verspieren, Chef de projet sur deux postes et dans deux directions différentes. Le premier orienté particuliers – profil marketing affinitaire, le deuxième dans l’assurance aux entreprises, btob, plus technique donc.

En 2021, j’ai dû remplacer une collègue et j’ai eu une période de charge de travail intense, et difficile. Mes managers avaient conscience de la situation et ont essayé de m’aider. Ce qui est fou, c’est que revenir à une activité normale a été difficile. J’ai ressenti le besoin de réfléchir à mon avenir chez Verspieren. Je ne parvenais pas à voir ce qu’il pourrait être. Je ne connaissais pas vraiment les gens des ressources humaines, et je n’avais pas envie de poser une sorte d’ultimatum en expliquant mon besoin de nouveau projet à mon manager. Je ne voulais pas avoir l’impression de mettre la pression. Et un recruteur s’est présenté à cette période, avec une offre qui semblait objectivement difficile à refuser. Poste très intéressant, meilleurs salaire et avantages et davantage de congés (j’ai une petite fille). J’ai donc décidé qu’il s’agissait d’une opportunité que je n’avais pas le droit de refuser, malgré le réel attachement que j’avais pour Verspieren et pour les équipes. 7 ans, c’est long. L’entreprise m’a formée et faite grandir. Je n’avais pas vraiment envie de partir, mais je ne voyais plus mon avenir là.

@Anais – Vous choisissez donc de poser votre démission. La suite ? La prise de poste ?

Deux mois de transition. Grosses vacances. Puis la prise de poste, pour une nouvelle entreprise, dans un nouveau secteur d’activité. Elle a été… surprenante. Je crois que c’est le bon mot. Plusieurs choses n’étaient pas vraiment « raccord » avec le projet évoqué lors des entretiens, notamment une nouvelle responsable (ceux qui m’avaient recrutée avaient entre-temps fait de la mobilité), qui prenait une nouvelle fonction. Très vite, je me suis rendu compte qu’on ne se comprenait pas, tout simplement.

Il y a aussi un peu l’effet « retour à la réalité ». L’image qu’on se fait d’une entreprise de l’extérieur est souvent très différente de la perception qu’on en a quand on est à l’intérieur. Bref, les rapports avec les équipes étaient bons, mais je ne trouvais pas ma place. J’en étais arrivée à me dire : « il faut que je me fasse violence ». Et puis, j’avais une très faible visibilité sur la suite notamment les projets que j’allais avoir à gérer. J’avais l’impression de ne pas être alimentée, qu’il n’y avait pas de perspectives.

A peine un mois après ma prise de poste, j’ai demandé à mettre fin à ma période d’essai. Pour moi, le charme était rompu. Et ils ont accepté. Je l’ai vécu comme un échec : « Je n’ai pas réussi ».

@Anais – Quel est le parcours de retour vers Verspieren ?

Je n’avais pas rompu les liens avec certains collègues, avec qui j’avais eu une excellente relation de travail. Nous échangions souvent, et l’une d’elles savait que l’intégration était difficile. Elle m’a appelée, et a pris rendez-vous avec Sandrine pour évoquer mon cas.

J’ai rencontré Sandrine et nous avons longuement discuté. Elle a envisagé plusieurs pistes pour permettre mon retour. Finalement, l’opportunité a été une réintégration, avec une première mission de 6 mois. Pour l’accompagnement d’une entité du Groupe qui avait vécu d’importants changements en peu de temps. Il s’agit de faciliter la transition, dans toutes ses dimensions. C’est passionnant. Au terme, il y a d’autres possibilités.

@Sandrine Pourquoi avez-vous décidé de rappeler Anais ?

J’ai eu un échange avec l’une de ses anciennes collègues, qui était au courant de sa situation et qui considérait qu’il était important qu’elle, que ses qualités, ses compétences reviennent chez Verspieren. Mais son ancien poste était pourvu. Alors il fallait envisager d’autres perspectives. La rencontre m’a confirmé que c’était un très bon profil. Nous avons longuement discuté. J’ai considéré ça comme un recrutement normal. Je l’ai vue comme un super profil… qu’il fallait absolument recruter. Nous avons des besoins dans de nombreuses directions. Il était important que nous la réintégrions rapidement, et nous avions une mission plutôt challengeante qui lui permettrait de développer de nouvelles compétences, notamment le management.

@Anais – Le jour du retour, ça se passe comment ?

Revenir, ce n’est pas évident. Il faut laisser sa fierté de côté quand même un peu. Et on sait qu’on va devoir expliquer 600 fois la même chose… (rire). C’est normal. Mais « c’est le tout petit prix à payer » ! Parce que finalement, ça veut dire « salut, l’histoire n’est pas finie entre nous… ». C’est hyper positif. Et j’étais très contente de me remettre au travail. Contente de retrouver ma « famille » aussi.

@Sandrine – Quels enseignements tirez-vous de cette séquence ?

Pour moi, il est important que les séparations avec les collaborateurs soient « propres », en bons termes. Ça avait été le cas avec Anais. Il faut complètement sortir de la question, du rapport entre un départ et une trahison. L’opportunité pour elle était réelle dans la structure qu’elle a rejoint. Et en même temps, elle avait elle-même identifié qu’elle était un peu partie à contre-cœur finalement. Au-delà de la connaissance du secteur, et du savoir-faire, il y a la personne et ses qualités humaines.

En terme « d’enseignement RH », c’est un signe clair que nous devons travailler sur la mobilité interne, et plus activement sur les « personnes », l’accompagnement de leur gestion de carrière. Il faut considérer qu’aujourd’hui, la compétence est liée à l’individu plus qu’à la fonction, la case, dans l’entreprise.

@Anais – Quels enseignements tirez-vous de cette expérience ?

Il ne faut pas faire quelque chose à contre-cœur. Avant mon départ, j’aurais dû demander à rencontrer les RH. Par ailleurs, je ne regrette pas cette expérience. Elle était sans doute nécessaire. Je pense aussi que j’ai eu de la chance. Chaque expérience nous fait grandir, on a le droit de se tromper si on en apprend quelque chose.

Aucun commentaire

    Répondre
    Votre email ne sera pas publié
    Partager cet article
    L’effet « Boomerang » : quels enseignements ?